Production et diffusion sur IP : éclairage sur les normes

PTP, 2022, 2110, et les autres…

SMPTE 2110 est une série de standards pour le transport des essences audio, vidéo et metadonnées sur IP. Présenté au départ comme une alternative à la famille des 2022-6 et 2022-7 pour le transport sur des réseaux locaux, il tend aujourd’hui à le remplacer – en tout cas sur le papier – à la faveur notamment de son économie en bande passante. Avec 2110, plus besoin de transporter les bits non utilisés des suppressions horizontales et verticales du SDI, les fameuses « ancillary data » qui transportent l’audio, les métadonnées, et souvent, des bits à 0.

La norme 2110 comprend en effet un volet dédié au transport de la vidéo non compressée : 2110-20, et un autre dédié au transport de l‘audio non compressé : 2110-30. Le transport des données auxiliaires ou métadonnées est quant à lui spécifié dans 2110-40, tandis que le chapitre 2110-21 est dédié à la synchronisation temporelle du transport vidéo et définit deux profils de latence : Wide et Narrow. Chaque essence est donc transportée séparément dans un flux IP qui lui est dédié et peut être associé au besoin  aux autres flux correspondants. Cette resynchronisation est rendue possible par l’usage du signal de référence indispensable à une telle infrastructure : PTP, pour Precision Time Protocol. L’usage de PTP est décrit dans le volet 2110-10 dans le même temps que le format de la couche de transport. Dans l’avenir de la production vidéo, plus besoin donc des innombrables embeddeurs et désembeddeurs en entrée et sortie de grilles et pour alimenter les différents départs, tout se fait via des routages de flux IP. Autre intérêt et pas des moindres : la coexistence possible des différentes définitions vidéo (HD, UHD, HDR etc…) dans la même infrastructure, moyennant une gestion préalable des capacités des switches.

Si la norme 2110 commence à être implémentée très largement, l’UER conseille encore de tester la conformité des signaux produits avant tout achat, les constructeurs étant encore dans une phase d’appropriation de ces formats. Cette démarche doit permettre d’améliorer leur implémentation et de rendre réelle l’ interopérabilité qu’ils apportent vis à vis notamment de toutes les solutions de transport sur IP propriétaires (Sony NMI, Newtec NDI, Evertz…).

Et pour le transport de l’audio ?

Du côté de l’audio sur IP, il est parfois aussi difficile de s’y retrouver entre AES67, SMPTE 2110-30, Ravenna et Dante. Petit tour d’horizon pour tenter de clarifier les choses.

AES67 représente un minimum d’interopérabilité ratifié par l’Audio Engineering Society en 2013 et mis à jour en 2018. AES67 n’avait pas vocation à remplacer les différents formats d’audio sur IP existants mais à permettre un langage commun entre eux pour faciliter les échanges. En ce sens, il ne traite pas du tout de la façon dont les équipements sont détectés et authentifiés sur le réseau, et laisse le choix de l’usage de l’un ou l’autre des protocoles Internet (IP) existants.

Le SMPTE s’est basé sur AES67 pour son volet audio (2110-30), mais en lui ajoutant un certain nombre de contraintes visant à améliorer l’interopérabilité (dans les faits, seuls certains des profils autorisés par AES67 peuvent être utilisés si l’on veut être compatible avec 2110), ainsi qu’une possibilité de redondance. L’UER sur l’IPShowcase présentait ainsi 2110-30 comme un sous -ensemble d’AES67 . Concrètement, il semble que la plupart des équipements AES67 soient compatibles avec 2110 moyennant un bon paramétrage de départ, reste à le valider opérationnellement au cas par cas, en faisant au besoin apporter certains correctifs dans les implémentations.

Dante est un format propriétaire développé par la société Audinate, qui bénéficie d’une expérience de longue date dans le milieu de la sonorisation. Son adoption très large chez les constructeurs audio (plus de 200 fabricants intègrent des interfaces DANTE dans leurs équipements) et ses développements avancés en terme de gestion des flux (Découverte, Enregistrement, Connexion, Paramétrage… des équipements) en font un choix très prisé et efficace dans les environnements de production audio, à travers l’utilisation notamment des logiciels Dante Controller et du plus récent Dante Domain Manager. Pour ce qui est de l’intégration dans une infrastructure vidéo, il faudra en revanche s’armer de différents « gateway » ou convertisseurs de formats afin de rejoindre par exemple une vidéo en 2110. Du côté de la synchronisation aussi, les réseaux devront être isolés car Dante n’utilise pas le même signal de synchro PTP que 2110 ou AES67. Dante permet via les cartes « Brooklyn II » embarquées dans de nombreux équipements de switcher en mode « AES67 », cela demande néanmoins une phase d’intégration plus importante que sur des équipements natifs en AES67 (gestion de la synchro PTP notamment).

Ravenna est un format développé par Lawo à travers la société ALC Networx. C’est un format ouvert et documenté que tout constructeur peut choisir d’implémenter, sans l’achat de cartes ou de licences spécifiques. Développé conjointement avec les travaux de l’AES sur AES67, il est interopérable avec ce dernier, mais y ajoute une couche de « Discovery »: détecter et authentifier les équipements émetteurs et récepteurs sur le réseau, du paramétrage et du monitoring, une gestion de la redondance, et un certain nombre d’options sur les formats audio. Il est donc possible avec des équipements Ravenna de travailler soit en mode « complet », avec les possibilités de détection et de gestion des connexions offertes par le format, soit en mode interopérable « AES67 ». A noter également le logiciel Ravenna-2-SAP converter (disponible gratuitement) qui permet de faciliter les connexions entre différents équipements en mode « AES67 ».

La brique manquante : l’orchestration

Du côté de la vidéo comme de l’audio, on a donc aujourd’hui des standards interopérables à disposition pour le transport des flux sur IP. Mais il reste un défi majeur à relever pour tout broadcaster qui se lance aujourd’hui dans la production d’un site tout IP, celle de l’orchestration. Comment va t’on inventorier, authentifier et établir des connexions entre les différents équipements ? Comment va-t-on s’assurer que tel ou tel flux est autorisé et que son ajout ne va pas faire « tomber » le réseau par dépassement de la capacité du système ? Une fois quitté le cocon confortable du SDI dans lequel un câble -ou un ensemble de câbles – équivaut à une source ou à une destination, pas question de remplacer les grilles de commutation par une longue liste d’abonnement à des flux multicast aux adresses sibyllines. C’est le travail de l’orchestrateur que de détecter, reconnaitre et autoriser les connexions entre les différents flux media. Ces fonctions d’orchestration et de monitoring sont encore largement propriétaires, et risquent de le rester au moins en partie (quant il s’agit de piloter des équipements, il y a en général une frontière à ne pas dépasser au-delà de laquelle le constructeur ne peut plus garantir l’intégrité et l’efficience de ses produits). Néanmoins, pour construire un système qui reste ouvert et interopérable, il est indispensable d’offrir une couche minimale et universelle d’interconnexion.  C’est ce que tente de faire l’AMWA (Advanced Media Workflow Association) en association notamment avec le Video Services Forum, l’UER et le SMPTE, au travers du standard NMOS (Networked Media Open Specifications), dont les volets IS-04 et IS-05 ont été ratifiés très récemment. Ces deux standards définissent les méthodes de « Discovery » (établir la liste des équipements présents sur le réseau), « Registration » (authentifier les équipements), et Connection. IS-06, encore en cours de spécification, traitera des aspects sécurité (Analyse et monitoring de la configuration réseau, Réservation de bande passante, Qualité de service…), tandis que IS-07 traitera des tally et autres GPI.

Faits encourageants, la quasi totalité des constructeurs affiche son soutien aux travaux de l’AMWA, tandis que l’UER milite dans le même sens pour l’adoption d’un ensemble de pré-requis intégrant toutes les couches nécessaires à un système de production IP « de bout en bout ». Reste à voir comment se fera l’intégration entre la partie « universelle » et la partie « propriétaire » des commandes et autres remontées de contrôle, il est encore un peu tôt pour le dire.

Claire Mérienne-Santoni – France Télévisions – innovations & développements

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